A nos glorieux libérateurs


Livraison de bière à l'aide de spitfire

07/12/2014 10:18
Le 13 juin 1944 (jour J +7), le 412e Escadron « Falcon », et d'autres formant la 126e Escadre, se réunirent autour du Lieutenant-colonel Keith Hodson pour faire le point, à la base de Tangmere.
 
Il s'agissait de préciser les détails concernant nos activités, désormais habituelles, de patrouille sur la plage. Mais cette fois-là allait s'avérer différente des autres.
Le commandant d'escadre me prit à part pour organiser la livraison d'une cargaison assez importante de bière à destination de notre nouvelle piste d'atterrissage en voie d'achèvement à Bény-sur-mer.
La teneur générale des instructions qu'il me transmettait était la suivante : « Choisissez deux autres pilotes et arrangez-vous avec le mess des officiers pour vider les réservoirs et les remplir de bière. Quand nous atteindrons la tête de la plage, vous quitterez votre formation et atterrirez sur la piste. On nous a dit que les nazis ont rendu l'eau non potable, donc je pense que cela sera apprécié. »
 
« Vous n'aurez pas de mal à trouver la piste, le navire de guerre Rodney est actuellement en train de tirer des salves sur Caen, elle se trouve juste en dessous. Nous volerons à plus de 13 000 pieds, je pense donc que la bière sera suffisamment fraîche quand vous arriverez. »
Je me souviens d'avoir appelé Murray Haver de Hamilton et un troisième pilote (dont le nom m'échappe aujourd'hui) pour mener à bien le coup.
En y réfléchissant aujourd'hui, cette intervention aérienne serait particulièrement appréciée par les bidasses (hommes de l'infanterie).
Au moment où j'atteignais les 5 000 pieds, la présence imposante du Rodney ne m'invitait pas particulièrement à la descente, mais il était certain que c'était là que je trouverai la piste.
PHOTO: collectionscanada.gc.ca
 
Le train sortit, et on y était, avec trois Spits contenant des réservoirs de 350 litres remplis de bière fraîche.
En roulant jusqu 'au bout de la piste d'atterrissage, j'avais du mal à y voir clair… Il n'y avait absolument personne en vue. Qu'est-ce qu'on fait maintenant, me suis-je demandé, nous n'allons quand même pas nous asseoir ici et attendre que quelqu'un arrive. Qu'en est-il des moyens de communication?
Finalement, je remarquai quelqu'un qui nous observait de derrière un arbre et, comme un fou, je me suis mis à lui faire des signes des bras, l'invitant ainsi à nous rejoindre auprès de l'avion. Qu'il en fût autorisé ou non, il monta sur l'aile et nous accueillit par un « Mais qu'est-ce que vous foutez là? » et je le lui dis en quelques mots éloquents.
base de campagne B. 4 près de Bény ( Source: junobeach.org )
 
« Écoutez! » dit-il, « Vous voyez le clocher de l'église au bout de la piste? Et bien, il est rempli de tireurs d'élite allemands, et nous avons passé la journée à tenter de nous en débarrasser, donc vous feriez mieux de déposer votre cargaison et de ficher le camp avant qu'il ne soit trop tard. »
En quelques instants, nous avions déguerpi le plancher, et c'est ainsi que le premier Spitfire a été accueilli sur notre piste B4 en Normandie.
Cette histoire eut une suite à peine croyable au début des années 1950, alors que j'étais employé par Ford Motor à Windsor. Une personne vint me voir pour me parler de quelque chose et me demanda si j'avais appartenu aux forces aériennes. « Oui, en effet », lui répondis-je.
« Est-ce que par hasard, vous auriez atterri à Bény-sur-mer en Normandie accompagné de deux autres Spitfires dont les réservoirs étaient remplis de bière? » me demanda-t-il.
« Oui, tout à fait », lui répondis-je, « Mais comment êtes-vous au courant de cette histoire? »
« Et bien, je vais vous le dire, » dit-il, « je suis l'homme qui est monté sur l'aile de votre avion et qui vous a dit de ficher le camp. »

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